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Punch Drunk Love de Paul Thomas Anderson

Certains s’étonneront de voir l’un des comiques américains les moins subtils du moment (Adam Sandler, acteur et auteur de comédies imbéciles comme Big Daddy et Happy Gilmore qui ose reprendre le rôle de Gary Cooper dans le mauvais remake de L’Extravagant Mr. Deeds de Capra) à l’affiche de Punch-drunk love, le nouvel opus d’un jeune « intellectuel » d’Hollywood, Paul Thomas Anderson, dont l’ambitieux Magnolia avait été remarqué pour sa construction complexe dans le style de Short cuts de Robert Altman. Ici, point de structure en étoile, de montage parallèle : après des mésaventures avec une entreprise de téléphone rose qui le fait chanter, Barry, un célibataire endurci persécuté par ses sœurs hystériques (Sandler, en costume bleu électrique), vendeur de matériel pour toilettes sophistiqué dans la banlieue californienne, rencontre la femme de sa vie. Une fois la belle (Emily Watson) entrée dans l’existence de cet homme timide qui explose parfois en colères incontrôlables, le scénario s’arrête, tout simplement, aboutissant à son titre, qui signifie « ivre d’amour ».


C’est que Paul Thomas Anderson n’a que faire d’une intrigue pleine de rebondissements. En subordonnant la mise en scène à l’humeur bipolaire de Barry, Anderson donne à Sandler, dont il creuse la persona comique au lieu de choisir le contre-emploi, la profondeur mélancolique d’un clown triste. Une mélancolie avant tout sous-jacente, qui n’empêche pas le film d’être un véritable feu d’artifice visuel et sonore. Le jury du dernier festival de Cannes ne s’y est pas trompé, qui lui a décerné, ex-aequo avec Ivre de femmes et de peinture de Im Kwon-taek, le prix de la mise en scène : il cisèle particulièrement la gestuelle de son personnage – qui rappelle parfois celle d’un Jacques Tati – s’inspire pour son cadrage et sa palette chromatique (uniquement des couleurs franches) des comédies musicales des années cinquante, et travaille particulièrement la musique, tantôt dans un but humoristique (on entend des marches militaires quand apparaissent les sœurs de Barry), tantôt avec un effet quasi-surréaliste (le volume sonore peut augmenter brutalement, pour accentuer certaines scènes).


Comédie romantique décalée, Punch-drunk love ne renonce pourtant pas à nous faire entrevoir, par petites touches, l’Amérique d’aujourd’hui. Ainsi, Barry noie sa solitude dans la collection méticuleuse de coupons découpés sur des boîtes de pudding et affichant une offre de miles aériens qu’il espère cumuler pour s’offrir le voyage de ses rêves. Caricature du consumérisme ? Mais le plus triste – ou le plus drôle – est que le réalisateur s’inspire d’une histoire vraie, celle d’un ingénieur civil qui gagna le droit de voler toute sa vie grâce aux 12 150 coupons patiemment prélevés sur des pots de pudding ! Le rêve américain serait donc réservé aux collectionneurs qui savent déchiffrer les règlements des concours et surfer allégrement sur les faux-pas de leurs rédacteurs…

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